L’an 2017 est riche en événements. Scission de l’opposition. Villes mortes. Manifestations « pacifiques ». Report des élections en 2018. Surtout, l’extinction inopinée d’Etienne Tshisekedi, leader de l’opposition, qui entraine la redistribution des cartes en défaveur de l’opposition.
La signature de l’accord dit de la Saint-Sylvestre ferme la dernière page du printemps 2016. Il est conclu, sous la médiation de la CENCO, au centre Interdiocésain de Kinshasa/Gombe le 31 décembre 2016. Il ramène l’espoir. Les congolais craignaient le pire au cas où les acteurs politiques ne se conviendraient pas sur la gestion de l’après décembre 2016. Selon la constitution, le mandat du Président Kabila a expiré le 19 décembre 2016.
Etienne Tshisekedi n’est plus… la donne politique change
Lundi 23 janvier. Dans la soirée. Un avion médicalisé estampillé VNR (Vol Non Régulier) atterrit sur l’aéroport de N’djili à Kinshasa. Le lendemain matin, vers 10 heures, il décolle avec Tshisekedi à bord. Le 1 février 2017, dans la journée de ce mercredi fatidique, l’information tombe. Le grand leader de l’opposition n’est plus. Il a succombé de l’embolie pulmonaire à Bruxelles à l’âge de 84 ans. A Kinshasa, les activités tournent momentanément au ralenti, les combattants (militants de l’UDPS) pleurent à chaudes larmes, ils assiègent la permanence et la résidence.
Trois mois plutôt, Tshisekedi gênait le pouvoir de Kinshasa. Il hypnotisait la foule lors des meetings, animait les conférences de presse, publiait les communiqués, appelait aux manifestations et journées ville morte. Profitant de sa disparition, la Majorité Présidentielle change de ton. Elle impose des préalables dans la mise en œuvre de l’accord du 31 décembre. Au sein de sa plateforme (Rassemblement), les fissures apparaissent. L’UDPS, parti dont Tshisekedi était président depuis sa création en 1982, connait le problème de leadership. La MP n’en a cure et ne peut que s’en réjouir.
Dissensions au sein de l’opposition
En RDC, les alliances se font et se défont en fonction des intérêts. Au mois de Janvier, Gilbert Kiakwama est exclu de la Dynamique de l’Opposition. Joseph Olenghankoy proteste. Toutefois, sa médiation échoue et la plateforme se scinde en deux.
Le 27 février, après 8 heures de travail, les ténors du Rassemblement parviennent à le restructurer. Le Rassemblement est la plus grande plateforme créée à Genval en Belgique autour de Tshisekedi. Ces congressistes attribuent la présidence à Felix Tshisekedi. De son côté, Pierre Lumbi du MSR se voit confier la Présidence du Conseil des Sages. Le 1er mars, Bruno Tshibala, Porte-parole du Rassemblement, rejette cette réforme. Il accuse Pierre Lumbi de sa proximité avec la mouvance présidentielle. Lumbi était conseiller spécial du Président Kabila avant de se reconvertir en opposant. Le 5 mars, Tshibala, Kiakwama, Lisanga Bonganga, Roger Lumbala déclarent leur attachement à l’ancienne structure du Rassemblement/Genval et confient la présidence du Conseil des Sages à Olenghankoy, Président du Parti FONUS. Ainsi naquirent les deux ailes du Rassemblement.
A l’UDPS, les exclusions se suivent à cascade. Bruno Tshibala, secrétaire général adjoint du parti est la première victime. Il y sera exclu parce qu’il aurait participé à la réunion de l’aile adverse du Rassemblement sous la houlette de M. Olenghankoy dans la commune de Kassa-vubu. Le 4 avril. C’est le tour de Valentin Mubake. Ce conseiller spécial de Tshisekedi est reproché d’avoir rencontré le Président Kabila dans le cadre de consultations prévues le 3 et le 4 avril 2017. Petit-à-petit, les défections se multiplient. Le Communiqué du 26 juin 2017 constante « l’auto-exclusion » de tous les cadres faisant partie du Gouvernement Tshibala. Dans ce lot, se retrouvent notamment Joseph Kapika (Ministre de l’Economie) et Oly Ilunga (Ministre de la Santé).
En Novembre 2017, L’effaceur est effacé. Jean Marc Kabund, secrétaire général du parti est désavoué par la commission de discipline de l’UDPS. Elle lui reproche de retarder le congrès afin de doter l’UDPS d’un président légitime. L’incriminé obtient l’appui de Félix Tshisekedi. Ils parviennent subrepticement à écarter la menace. Le 10 décembre, Bruno Tshibala est élu par acclamation Président de l’UDPS-Aile Tshibala.
Chez Vital Kamerhe, la situation est également intenable. La Direction Politique de l’UNC décident ce lundi 23 octobre de retirer tous ses mandataires du pouvoir. Lors d’un point de presse tenu le lendemain à Kinshasa, Pierre Kangudia, l’unique membre de l’UNC au sein du gouvernement Tshibala, refuse de démissionner et se désolidarise de l’UNC.
Difficile compromis sur la Primature et le CNSA
14 janvier 2017. Début des travaux sur l’arrangement particulier. Après une trêve de deux semaines, les activités reprennent le lundi 27 mars 2017. Cet arrangement, sensé déterminer les modalités de gestion du pays, achoppe à plusieurs blocages. S’agissant de la Primature, la MP exige une liste de cinq personnes parmi lesquels le président choisirait le Premier ministre. Le Rassemblement ne l’entend pas de cette oreille et balaie cette proposition du revers de la main.
Quant à la présidence du CNSA, Pierre Lumbi, présenté comme successeur d’Etienne Tshisekedi, ne rencontre pas l’assentiment de la majorité. Elle exige une personnalité consensuelle. Apres le décès d’Etienne Tshisekedi, la famille politique de Joseph Kabila fait désormais valoir que le poste de président du CNSA n’est pas une exclusivité du Rassemblement. Les opposants Vital Kamerhe de l’UNC et Eve Bazaiba du MLC ont déjà manifesté leurs ambitions de l’occuper.
Le 3 et 4 avril, le Président entame les consultations. Les acteurs politiques ainsi que ceux de la société civile se suivent à la queue leu leu, à l’exception du Rassemblement-Aile Felix. Le lendemain, Kabila prononce un discours sur l’état de la nation devant les parlementaires réunis en congrès. Au cours de son allocution, il promet un Premier ministre dans 48 heures. Evidemment. Le 7 avril, Bruno Tshibala est nommé Premier ministre. Aussitôt, il promet à son tour la mise en place de son gouvernement endéans sept jours. Les acteurs politiques actualisent leurs CV. En coulisse. Les lobbys jouent un rôle prépondérant. Les tractations se suivent. La première mouture, a-t-on appris, sera rejetée. La deuxième, une fois validée par le cabinet du chef de l’Etat, fut acceptée et le gouvernement sortit le 10 mai 2017.
Le 27 avril, l’arrangement particulier est signé. Ensuite, le président Joseph Kabila demande, dans une correspondance datée du 12 mai, à toutes les composantes de la classe politique et sociale signataires de l’accord du 31 décembre, de lui transmettre, endéans 48 heures, la liste de leurs délégués au Conseil national de suivi de l’accord. Samedi 22 juillet 2017, Joseph Olenghankoy est désigné président. Depuis Shabunda où il séjourne, Vital Kamerhe rejette le poste de deuxième vice-président. Du côté MLC, Le Professeur Jacques Djoli indique aussi que sa formation ne participera pas à cette structure ficelée contrairement à l’accord du 31 décembre 2016. Cependant, l’aile dissidente du Front pour le Respect de la Constitution, dirigé par Jérôme Lumona Ndubu, accepte de participer.
2017 : l’an des motions et d’interpellations
Vendredi 20 octobre. Les députés de l’opposition déposent une pétition contre Aubin Minaku, Président de l’Assemblée nationale. Ils lui reprochent de violer la constitution et le règlement d’ordre intérieur en bloquant les motions de censure. Cette motion est rejetée le samedi 21 octobre dans une motion incidentielle du député François Nzekuye. Il dit avoir relevé plusieurs irrégularités et vice des procédures.
Premier ministre Bruno Tshibala est interpelé mercredi 22 novembre. Il aurait déposé le budget tardivement à l’assemblée Nationale. Jugeant les raisons avancées «non convaincantes », le député Henri-Thomas Lokondo a demandé sa démission dans 72 heures. Après l’expiration de cette sommation, il initie une motion de censure. Malheureusement, il ne réussit à réunir les 125 signatures exigées.
Dans les provinces, les gouvernements sont instables. Jean-Claude Kazembe du Haut-Katanga est déchu début avril 2017 par l’Assemblée Provinciale. Les députés lui reprochent la mauvaise gestion de la province, les relations tendues avec ses collaborateurs, l’opacité dans la passation de marchés publics ainsi que la non-exécution du budget tel que voté par l’assemblée provinciale. La Cour constitutionnelle le réhabilite le vendredi 26 mai 2017 en déclarant « nulle et non fondée » la motion de censure votée contre lui.
Le 5 mai. La tête du deuxième gouverneur tombe. Dix-huit députés sur vingt-un votent contre Célestin Mbuyu de Haut-Lomami. Ils l’accusent de malversation des fonds d’investissement alloués et versés par le pouvoir central à la province, d’incapacité à mobiliser les recettes, de manque de transparence et d’orthodoxie dans la gestion des finances, de désordre dans le recrutement et l’affectation du personnel des régies financières.
A peine un mois est-il passé, la gouverneure du Nord-Ubangi, Marie-Thérèse, sera bousculée. Une motion de censure, jugée aussitôt recevable, est déposée à l’assemblée provinciale le 16 juin. Elle réussit à échapper miraculeusement mais non sans blessure. Son Ministre des finances, M. Alpha Ziangba, fut contrait à présenter sa démission. Pourtant, son collègue de l’Equateur ne réussit pas s’en sortir. Jeudi 7 septembre, les députés votent à l’unanimité la motion de censure contre Tony Cassius Bolamba. Ils l’accusent d’enrichissement illicite avec des fonds destinés à la province et de la rétrocession des entités décentralisées.
Kasaï-Central, le gouverneur Alex Kande a été déchu, mercredi 4 octobre à la suite d’une motion déposée par 16 députés sur 21 que comptait l’assemblée plénière à Kananga. Il est notamment accusé de la mauvaise gestion et de détournement de plus de 3 millions de dollars américains. Marcelin Cishambo du Sud-Kivu avait rendu le tablier trois mois plus tôt. Au Nord-Kivu, Julien Paluku, a failli être emporté par les tourbillons.
Contestations, violation des libertés publiques …
Le 3 avril, alors que le Président amorce les consultations, le Rassemblement-Aile Félix appelle à une journée ville morte. Les activités tournent au ralenti dans certaines villes. Dans d’autres, les gens grouillent dans les rues, vaquant à leurs activités comme à l’accoutumée.
Mercredi 15 novembre. Le Rassemblement, appelle à des manifestations sur l’ensemble du territoire national. Fiasco. La Majorité présidentielle s’en réjouit et invite la population à exercer une vigilance sans faille sur les «radicalisés » De son côté, la Lucha salue la réussite malgré « l’arrestation de 200 personnes à Lubumbashi. » le 19 décembre, la marche de sommation sort mort-née. La pluie aurait causé ce deuxième fiasco. Pourtant, d’aucuns s’interrogent sur la capacité de mobilisation de l’opposition, orpheline de Tshisekedi.
Vital Kamerhe accuse, ce 23 août, la police de l’avoir empêché de se rendre à Tara. Un éboulement des terres s’est produit il y a environ une semaine dans ce village de l’Ituri, causant plus d’une centaine de morts et de disparus.
La dernière page de cette année se fermerait avec les manifestations prévues le 31 décembre 2017.
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