Opinion: Les « cinq chantiers » des députés nationaux élus d’Uvira pour les cinq ans à venir (Prof Dr Trésor MAKUNYA).

Au vue de la situation actuelle de la nation, l’élite intellectuelle est sensée être éveillée en vue de prétendre relever les défis. Penser que seuls les hommes politiques peuvent amener le pays vers le succès tant attendu, ne serait-ce qu’ignorer la part d’autres acteurs du concert de l’architecture du développement socio-économique et politique du terroir. A Uvira, les universitaires y sont devenus actif dans la production des idées qui peuvent servir de boussole pour l’émergence du territoire et de la nouvelle ville. Trésor Makunya pense à ce qu’il appelle cinq chantiers des 4 élus d’Uvira qui reprend la Cohésion sociale, finir avec l’insécurité grandissante en renforçant la présence économico-militaire de l’Etat, Booster le développement local, renforcer la redevabilité des responsables des entités territoriales décentralisées et en fin trouver un équilibre sain entre les intérêts de vos partis/regroupements et les besoins sociaux de la base.

Uvira online vous présente cette page d’opinion du jeune Professeur Dr Trésor MAKUNYA MUHINDO.

Assassinats ou crépitement des balles par-ci. Inondations meurtrières ou écroulement d’un pont par-là. Résurgence de l’activisme des mouvements d’auto-défense et conflits à caractère ethnique aujourd’hui. Incivisme citoyen, méconduite des agents de l’ordre et mauvaise gestion des deniers publics demain. Il ne se passe pas un seul jour sans que le fossé se creuse entre l’idéal d’un Etat de droit développementaliste et les réalités vécues par les populations d’Uvira. Si pour ceux qui tirent profit de cette triste et calamiteuse réalité, Uvira n’est pas une exception étant donné que la RDC toute entière vit sous ce rythme, je pense qu’Uvira, grâce à ses potentiels socio-économiques et humains, peut sortir du lot. L’élection de quatre respectables hommes politiques à la députation nationale nous offre une opportunité de les leur rappeler les « cinq chantiers » auxquels ils doivent s’atteler si Uvira doit justement faire l’exception et éviter qu’ils (les élus) ne soient, selon la métaphore tirée de l’évangile selon Matthieu, de vrais vieux vins dans de nouvelles outres, « autrement, les outres se rompent, le vin se répand, et les outres sont perdues ».

  1. Cohésion sociale

La campagne électorale et la quête du pouvoir politique a affaibli davantage un tissu social malencontreusement affecté par les évènements socio-politico-historiques qui mettent à mal notre vivre ensemble collectif. Les guéguerres entre groupes sociaux, politiques et ethniques ont débouché sur des escarmouches meurtrières, l’exclusion de certains jeunes compétents aux postes de prise de décision et la « tribalisation » de la vie socio-politique. Les gagnants sont peu nombreux alors que les perdants se comptent par milliers. La Constitution pour laquelle nos parents, frères et sœurs ont voté en 2005 (j’avais moins de 18 ans à l’époque) a pourtant visé à endiguer, entre autres « le népotisme, le régionalisme, le tribalisme, le clanisme et le clientélisme » car ils sont « à l’origine de l’inversion générale des valeurs et de la ruine du pays ». Nos élus, en travaillant avec leurs équipes respectives et les cadres de base doivent recoudre ce tissu social directement, et indirectement en accompagnant les initiatives locales y relatives. Nos coutumes et traditions nous imposent d’œuvrer pour cet idéal. Elles n’encouragent aucune catégorie d’individus ou groupes d’individus à prendre les armes contre les autres, à se venger ou rendre justice ou à demeurer dans une position de victimisation perpétuelle pour s’attirer de la sympathie locale, nationale et internationale en vue de légitimer des activités antisociales.

  1. Mettre fin à l’insécurité grandissante en renforçant la présence économico-militaire de l’Etat

Comment concilier l’inefficacité des FARDC, à certains endroits, et le désir de plus en plus ardent qu’ont plusieurs de nos compatriotes à suppléer la puissance des FARDC via les groupes dits Wazalendo ? Pour certains, ces derniers sont nos sauveurs car la survie de nos communautés, au-delà de la protection de l’intégrité territoriale, est tout ce qui leur tient à cœur. Il faut se rendre également à l’évidence que le manque de contrôle des armes et de leur mouvement amplifie l’insécurité. Des pêcheurs en eau trouble se transforment soit en éléments FARDC ou Wazalendo pour ôter la vie à ceux qui nous sont chers. Durant la campagne, on en a eu la preuve la plus manifeste. Il faut consolider la présence de l’autorité de l’Etat en ville comme dans les villages et plaider pour une approche de sécurité humaine. On ne peut mieux protéger un peuple que lorsqu’on comprend les vicissitudes de leur vie et lui permet de participer efficacement au processus de sa propre sécurisation. Une sécurité imposée est tyrannique. Une sécurité fondée sur des compromis est faible. Vous devez concilier les deux.

  1. Booster le développement local

Le soi-disant « deuxième port » économiquement important de la République est resté un tigre de papier car les maigres revenus servent rarement à financer les initiatives locales de développement. Les ponts et les routes s’affaissent ou leur état se détériore. Les produits vivriers de nos villages peinent à atteindre les centres de consommation ; ce qui pourrait résoudre les problèmes de chômage ruraux et urbains et d’insécurité. Les initiatives économiques locales font face à une compétition transfrontalière et transnationale sans protection adéquate alors que nos entités locales peinent à mobiliser assez de ressources pour nous développer ou à mieux gérer le peu à leur disposition. Vous avez un rôle budgétaire important à jouer en vous assurant que la clé de répartition des richesses à caractère national (un mécanisme institué en remplacement de la retenue à la source) nous profite et que les ressources émanant de la Caisse nationale de péréquation financent nos projets. A Kinshasa, vous pouvez rencontrer les animateurs de toutes ces institutions, soit dans leurs bureaux et par moment sur les terrasses très prisées par certains Kivutiens. Les partenaires au développement pullulent dans ce pays. Des actions concertées entre vous quatre peuvent également secouer les autorités provinciales – vous pouvez unir vos efforts avec vos collègues élus provinciaux.

  1. Renforcer la redevabilité des responsables des entités territoriales décentralisées

Il ne sert à rien de mobiliser assez de ressources si ceux qui nous dirigent les dilapident. Votre rôle est de vous assurer que la Mairie d’Uvira et d’autres entités utilisent à bon escient le « peu » de ressources afin que les administrés sachent comment les contrôler. Il ne s’agit donc pas de se limiter au contrôle des organes centraux. Il y en a plus. Sauf erreur de ma part, nous ne savons pas combien la mairie a mobilisé en 2022/2023 ou combien a-t-elle reçu du pouvoir central, comment ces fonds ont-ils été utilisés/affectés et à quelles fins. Vous pouvez par ailleurs combler le vide du contrôle car les autres organes qui doivent contrôler ces entités ne sont pas encore opérationnels. Les entités locales ne doivent pas simplement servir leurs animateurs et ces derniers n’ont pas pour mission de renvoyer l’ascenseur à ceux qui ont facilité leur nomination.

  1. Trouver un équilibre sain entre les intérêts de vos partis/regroupements et les besoins sociaux de la base

Certains élus doivent leur élection à leur parti/regroupement politique, d’autres au peuple, d’autres encore, aux deux ! Peu importe votre situation, les intérêts de la « base » priment d’abord. Je ne dis pas qu’il faut compromettre vos chances de vous faire aligner aux scrutins à venir. La nature de notre système électoral est telle que vous avez besoin d’un parapluie politique fort pour mieux canaliser les votes. Cependant, il ne faut pas oublier la misère dans laquelle croupissent certains de vos électeurs. Il faut veiller à ne point compromettre leur vie : leur avenir et votre réélection en dépendent. Développer les mécanismes d’interaction sains avec vos partis politiques et/ou leurs responsables afin d’avoir une possibilité de contester, non pas avec colère mais avec fermeté, certains de leurs choix qui mettent nos intérêts en péril. Vous devez donc être braves et courageux. Vous nous avez promis de l’être.

Je laisse la liberté à d’autres citoyens d’ajouter leurs chantiers!

Récit mis en ligne par TOYI MIREFU Théodore