BURUNDI : LA RUSE RWANDAISE N’Y PASSE PAS COMME À KINSHASA !

Par Marcelin Cikwanine
Par Marcelin Cikwanine

« Nous voulons avoir de bonnes relations avec tous les pays voisins ou les pays lointains qui accueillent des réfugiés burundais. Mais nous n’allons pas avoir de bonnes relations avec un pays qui use de malice, un pays hypocrite, qui prétend vouloir renouer de bonnes relations avec le Burundi alors qu’il met en même temps il place une grosse épine sous notre pied pour qu’on se blesse dessus »

C’est la déclaration d’hier du Président burundais, Evariste Ndahishiye, lors de son discours dans une province du Nord frontière du Rwanda. Il rejette ainsi la main tendue par le président rwandais Paul Kagame qu’il considère comme une main empoisonnée.

Président burunda
President burundais-Evariste Ndayishimiyede

Il faut être «Kishansa» pour tomber dans les pièges de Kigali. Ce que beaucoup des gens ne savent pas est que la ruse, la malice, l’ hypocrisie…,sont des stéréotypes culturels rwandais que tous les voisins avisés connaissent. D’ailleurs l’intelligence rwandaise se définie elle-même par ces mots. Je vous renvoie à mes publications sur la «culture du mensonge» au Rwanda, l’UBWENGE.

Si tout enfant rwandais devrait faire preuve d’«Ubwenge»(ruse, malice, duplicité, calomnie, habileté à tromper…,)dans le Rwanda ancien pour être considéré comme intelligent que dire de l’intelligence politique ? Tous les rwandais ne sont pas ainsi conditionnés psychologiquement et culturellement mais il faut dire que la gouvernance du régime ethno-fasciste de Kigali est profondément marquée par ces facteurs culturels.

Ce n’est pas le Burundi de Ndahishiye ou celui qui a été de Nkurunziza, moins encore l’Ouganda de Museveni qui peuvent ignorer ces facteurs. Seule la RDC de Tshisekedi et de Kabila , après tout ce qu’elle a vécu avec ce régime, semble toujours ignorer sa nature et ses visés. Soit, c’est la complicité, soit c’est la pire naïveté !

Lorsqu’un rwandais de ce type vous tend la main après un conflit ,soyez sûr et certain qu’il n’a pas oublié le passé surtout lorsqu’il s’agit d’un conflit violent. Il ne lâchera pas tant qu’il n’aura pas, soit atteint son objectif initial, soit fait couler du sang pour considérer que le conflit est fini comme l’exige d’ailleurs la culture rwandaise selon le code ésotérique « Ubwiiru». J’ai déjà consacré un article sur le principe de se «laver les mains» qui conditionne tout «pardon» ou toute réconciliation, y compris entre les rwandais eux-mêmes. Le pardon, ai-je dit, n’ a pas la même signification dans toutes les cultures !

Avec tout ce que nous vivons dans ce pays j’ai fini par comprendre que la faiblesse et/ou la fragilité du Congo vis-à-vis de Rwanda, c’est Kishansa. À chaque fois que Kigali nous a infligé des coups durs il s’est servi de Kinshasa. Je l’ai dit en 2010 à Joseph Kabila lorsque le Rwanda avait pris presque le contrôle de tout Kivu ,ce qu’il n’avait jamais réussi à l’époque de guerre. C’est à dire ce qu’il ne pouvait pas obtenir par les armes il venait presque de l’ obtenir sans une seule balle tirée !

Les militaires pro-rwandais, truffés des éléments et officiers rwandais en tenue des FARDC, avaient pris le contrôle des coins et recoins du profond Kivu,y compris des endroits que les agresseurs de 1998 n’avaient jamais réussi à pénétrer car défendus par les résistants maï-maï.

Celà, après qu’on ait obtenu par le ruse le désengagement et le désarmement des groupes armés maï-maï suite à la fameuse «conférence Amani » et les accords de Goma. Nous venions ainsi de dégarnir nos territoires pour être occupé par l’ennemi sous couverture de l’État. L’ennemi venait de légitimer son action ,en vue d’une «occupation» ouverte, à travers l’État congolais dont le processus décisionnel était contrôlé en amont et en aval par le Rwanda à travers des militaires qui constituaient une armée dans l’armée.

C’est de justesse que le Kivu a été sauvé entre 2011 et 2012. Si la situation actuelle est différente de celle de ces années il y a ,cependant lieu de se demander quelle sera la suite de ces unités de l’armée rwandaise déployées au Kivu sous l’uniforme des FARDC !

Souvent ,ceux qui gèrent les relations entre l’État congolais et le Rwanda au niveau de la Présidence de la république sont des gens qui ignorent tout du Rwanda et des rwandais. Or l’axe stratégique rwandais devrait être soumis à la responsabilité de ceux qui maîtrisent les aspects antropologiques, culturels et sociaux de ce pays en plus des enjeux géopolitiques.

Ce n’est pas pour rien que James Kabarebe gère le «dossier Congo» dans l’appareil étatique rwandais. Tout ce qui a trait avec le Congo sur le plan militaire,politique et économique passe par lui. C’est la personne de référence, et au delà de lui,il y a des officiers qui ont évolués à ses côtés comme Jack Nzita, Sekoko…,et qui ont le lien d’une manière ou d’une autre avec Congo qu’ils maîtrisent.

Mais chez-nous, souvent on prend, soit un katangais, soit un kassaien, soit un Kinois qui ne connaissent le Rwanda que de nom pour traiter la question rwandaise, s’asseoir sur une table et traiter avec l’État rwandais pour le compte du Congo, voir du peuple congolais. C’est la catastrophe assurée ! Les mêmes pratiques de l’ancien régime sont celles appliquées aujourd’hui d’ailleurs aujourd’hui c’est pire.

Posez la question de savoir qui gère aujourd’hui le «dossier Kigali» à la présidence, ou même celui qui gère le dossier sécuritaire de l’Est,ou celui qui gère la question des groupes armés. Ce sont des gens qui ,non seulement ne connaissent rien du Rwanda, mais aussi rien du Kivu. Le temps qu’il faut trouver des solutions concrètes et urgentes aux problèmes sécuritaires, c’est le temps pour eux de prendre connaissance de la situation,des acteurs et des enjeux(qu’il ne pourront jamais maîtrisé à temps) ,et face à l’exigence des résultats ils procèdent par tâtonnement et amateurisme. À la fin, à produit l’effet contraire recherché.

Ce n’est pas aussi pour rien qu’en dehors d’une poignée des kivutiens (sélectionnés sur base des critères bien déterminés) le Rwanda mise souvent sur les compatriotes/cadres de l’Ouest ou de l’Est profond pour «légitimer» ou « congoliser» ses interventions militaires au Congo. Le choix n’est pas fait au hasard. La liste est longue depuis l’AFDL… Et il faut voir comment ils servent avec zèle !

Par cette analyse comparative de la position burundaise, ougandaise et congolaise par rapport aux relations avec le régime de Kigali je voudrais tout simplement rappeler que lorsqu’on maîtrise tous les stéréotypes du peuple rwandais dans sa diversité on coopère avec Kigali avec plus rationalité. Ce qui n’est pas souvent le cas de mon pays.

En tant qu’ Internationaliste et expert en défence et sécurité, je n’ai jamais été partisan de la rupture des relations diplomatiques. Même en temps de guerre le «téléphone rouge» doit rester opérationnel. L’appel de l’ennemi a toujours été important. Il pourrait s’agir de proposition d’un pacte sincère de paix, d’une mesure de cessez-le-feu afin de permettre l’évaluation des blessés,d’un échange des prisonniers de guerre, ou tout simplement de la reddition ! Mais on doit comprendre que les relations diplomatiques ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit d’un pays à vocation belliqueuse ou pacifiste,un pays voisin ou éloigné…

Les choses doivent changer, et ce n’est pas seulement avec le Rwanda. La politique régionale doit tenir compte de tous les facteurs car il s’agit surtout des relations entre les peuples voisins qui vont au delà des simples aspects politiques. Ce n’est pas comme si on traitait ,par exemple, avec la Turquie, l’Égypte et les États-Unis qu’on peut gérer en se ressourssant sur Google.

L’Est de la RDC est Est-afrique sur le plan géographique, social, culturel et économique. Les relations diplomatiques avec les pays de l’Est doivent ternir compte de tous ces aspects avec des particularités pour chaque pays,et il faut des personnes appropriées pour orienter la prise des décisions politiques au sommet de l’État.

Sé Marcelin CIKWANINE

Consciencecbm@gmail.com