PPRD-Burundi: Itambo Misenga : « il est difficile d’aller aux élections sans dialoguer »

La CENI de la RDC constate qu’il est techniquement impossible d’organiser les élections en novembre 2016. Aussi le président J. Kabila convoque-t-il un dialogue pour aboutir « aux élections apaisées ». Pourtant, un parti de l’opposition traîne le pas. Elle juge que c’est un prétexte pour lui permettre de se pérenniser au pouvoir. A Bujumbura, Uviraonline a contacté Joseph Itambo Misenga, secrétaire exécutif fédéral du PPRD/Burundi, pour y poser son regard. Interview exclusive.

Yves Malipo Kabiona: Le dialogue tant voulu par le président Kabila est-il opportun à quelques mois des élections ?

Joseph Itambo Misenga
Joseph Itambo Misenga

Joseph Itambo Misenga: C’est opportun parce que le président de la république, en tant que tel, c’est lui qui a des lunettes qui voient plus loin. Selon nos coutumes en RDC, le mwami était porté sur le « kipoyo » [brancard, Ndlr] pour lui permettre de voir au-delà de la vision des autres. Après les élections de 2006 et 2011, le président Joseph Kabila a remarqué qu’il est difficile d’aller aux élections sans dialoguer ; sans se mettre d’accord sur une ligne à suivre pour parvenir à une vision. Et cette vision, ce sont les élections libres, démocratiques et transparentes. Donc, le dialogue est vraiment un processus très important avant d’aller aux élections.

…Bien qu’il peut éventuellement entraîner le prolongement du mandat présidentiel ?

Est-ce l’opposition qui favorise le glissement [allongement du mandat présidentiel au-delà de novembre 2016, Ndlr] ou la majorité ? C’est bien l’opposition !

Comment ?

Nommé vice-premier ministre et ministre de l’intérieur, Evariste Boshab avait initié un projet de loi qui devrait permettre de recenser tous les congolais. Ce recensement faciliterait de répartir les sièges au parlement. Les députés nous représentent actuellement sur base de l’enrôlement de 2011. Mais les opposants ont eu peur de perdre leurs sièges. Les mêmes opposants ont exigé le calendrier électoral qu’ils ont rejeté aussitôt qu’il a été publié par la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante). Ils ont encore exigé l’enrôlement de nouveaux majeurs et ont encore balayé la route. Finalement pour éviter les scénarii de 2006 et 2011, le président Kabila a estimé qu’il faut le dialogue (rire).

Le président de la CENI Corneille Nangaa comptait saisir la cour constitutionnelle pour reporter les élections présidentielles. Votre commentaire.

Le président de la CENI est sous la pression de l’opposition. Il a publié un appel d’offre pour la fourniture des kits électoraux. Mais, les soumissionnaires ont estimé qu’ils ne peuvent pas les fournir dans le délai exigé. La CENI est un organe constitutionnel au même titre que la cour constitutionnelle. Refuser au président de la CENI le droit de saisir la cour constitutionnelle, c’est nier la constitutionalité des élections elles-mêmes (Rire). Pourtant après les élections, la CENI publie les résultats provisoires et transmet le dossier à la cour constitutionnelle pour validation. Selon l’article 74 de la constitution, le président élu peut alors prêter serment devant cette cour. Qui n’a pas fait d’investigations n’a pas droit à la parole.

… C’est-à-dire ?

Le président de la CENI a fait des investigations. Que les acteurs politiques congolais le laissent clarifier les choses !

Si les élections sont organisées en novembre, le président Kabila va-t-il se présenter ?

La CENI n’a pas encore appelé les candidats aux élections présidentielles. Si nous commençons à préméditer sur la candidature du président Joseph Kabila, nous serons en train de prendre un pas d’avance. Laissons le temps au temps.

même si certains opposants ne cachent plus leurs intentions ?

Comme qui ?

Moïse Katumbi vient d’être désigné par le G7

Joseph Itambo Misenga_3Le G7 s’est empressé de désigner Moïse Katumbi alors que l’intéressé ne s’était pas encore prononcé. D’ailleurs, le terme G7 qui signifie groupe de 7 partis n’a pas de sens actuellement. C’est plutôt P7 c’est-à-dire groupe de 7 personnes. Gabriel Kyungu wa Kumwanza de l’Unafec (Union Nationale des Fédéralistes du Congo), Pierre Lumbi de MSR (Mouvement Social pour le Renouveau), Olivier Kamitatu de l’ARC (Alliance pour le Renouveau du Congo), et j’en passe, tous sont désavoués par leurs partis. En y ajoutant Moïse Katumbi qui n’a pas de parti politique aussi, cela donne une coalition des personnes et non des partis politiques.

Felix Tshisekedi proposait une transition mais sans Kabila au cas où les élections ne seraient pas organisées en novembre 2016. Qu’en dites-vous?

Mais, ce sera quelle sorte de transition ? Notre constitution est claire. L’article 70 de la constitution tranche en stipulant que le président de la république reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu. L’important est d’organiser le dialogue pour aboutir aux élections consensuelles.

Les consultations internes à l’opposition continue. S’elle arrive à une candidature unique, vous fera-t-elle peur ?

Selon vous qui sera ce candidat ?

Je ne sais pas encore. Mais, si l’opposition y arrive ?

Nous avons été trahis pendant près de cinquante ans. Le peuple a déjà remarqué que le développement est possible avec la mouvance. Nous ne pouvons pas avoir peur, par exemple, de quelqu’un qui a été ramassé par le G7. M. Katumbi, qu’est-ce qu’il avait fait avant d’entrer au PPRD ? [Parti du Peuple pour la Reconstruction et le Développement, Ndlr]. Pour convaincre le peuple, il ne faut pa venir avec des discours. Ceux-qui s’appellent opposants, qu’ils s’organisent et c’est sera de la bonne guerre. Ils vont vite remarquer que le peuple n’est pas dupe. Notre victoire aux élections des gouverneurs le prouve.

L’opposition prévient qu’elle va mobiliser la masse pour descendre dans la rue si le président Kabila se présente pour la troisième fois ou son mandat va au-delà de novembre 2016. Comment allez-vous réagir ?

Je ne pense pas que l’opposition planifie de faire couler le sang des congolais.

Donc vous allez tirer sur les manifestants ?

Nous ne sommes pas l’armée. Elle est d’ailleurs républicaine. Je prie pour que le peuple se calme. Le président Kabila a pris le pouvoir dans une situation chaotique. Il est parti partout et a tout fait pour que la paix revienne dans ce pays. Il ne peut pas permettre l’effusion de sang des congolais. La plupart des ténors du G7 sont des katangais (originaires de l’ancienne province du Katanga) qui refusaient le découpage prévu par la constitution à son article 2. Ils ont alors promis de dresser le peuple contre le pouvoir. Mais ils ont échoué parce que le peuple est derrière le président Kabila.

Pourtant les manifestations de janvier 2015 à Kinshasa ont été réprimées dans le sang !

Vous les hommes des médias, vous compliquez les choses. Quand les boutiques de chinois ont été pillées et les véhicules incendiés, vous appelez cela manifestation ? Non, c’était une insurrection. La RDC n’est pas un pays des pilleurs. Le peuple congolais est déjà averti. Il a ensuite une expérience sur les élections et le développement. Même si l’opposition tente de soulever le peuple, il ne répondra pas à son appel.

L’opposition vous taxe de déployer la police et l’armée pour mâter les manifestants. Cela n’est-il pas un aveu de faiblesse du régime en place ?

Les uns les organisent sans autorisation. Les autres en profitent pour se livrer au pillage et aux casses. La police doit immédiatement ramener de l’ordre. La manifestation doit être pacifique. (Silence net et regarde à côté) Les autres accusent la police de tirer sur les manifestants. Pourquoi n’est-elle pas en train de tirer maintenant ? Après le double attentat du 22 mars dernier à des Bruxelles, les belges voulaient manifester mais l’autorité les en a empêchés ! Est-ce l’aveu de faiblesse du gouvernement belge ?


 

UviraOnline: Propos recueillis par Yves Malipo Kabiona