Ailleurs. Le débat porte sur la déconstruction des frontières étatiques, le décloisonnement des barrières sociales et l’intégration des minorités. A l’inverse, en RDC, les discours haineux sont monnaie courante. Aussi peut-on penser que la fibre patriotique liant les uns aux autres se dénoue progressivement. Hier, Fridolin Ambongo (Cenco) et Martin Fayulu (Lamuka) redoutaient une éventuelle balkanisation du pays en faveur des Etats voisins. Aujourd’hui, c’est plutôt l’idée de deux Etats autonomes qui refait surface. Elle ne fait florès que sur les réseaux sociaux. A mon avis, point n’est donc besoin de s’en faire.
Deux incidents mineurs et, à la limite, absurdes servent de soubassement au morcellement du Congo. Il s’agit de l’arrestation, le 8 avril 2020, de Vital Kamerhe et du dédoublement du Parti AFDC-A de Bahati Lukwebo. C’est à cette aune que certains dénoncent une cabale contre les « Kivutiens » et exhument l’idée d’un Etat Indépendant du Kivu. Deux mises au point s’imposent. Primo, la responsabilité pénale des individus n’engage pas toute la région. Ainsi, toute solidarité, en faveur de qui que ce soit, sur base des affinités tribales ne peut qu’affecter grièvement l’Etat de droit pour lequel beaucoup de congolais sont morts. Secundo, les Partis se font des coups bas même dans les anciennes démocraties. Il est nauséabond de lire tout différend politique au prisme de l’ethnicité.
Cette initiative aussi inutile qu’abjecte du découpage du Congo ne peut que se solder par un échec cuisant. Mêmes ses entrepreneurs, réagissant ab irato, le savent bien. Car, en effet, la volonté d’une vie commune n’a jamais faibli. Certes. Beaucoup font à l’allégeance aux référents tribaux et régionaux. Mais, les congolais sont tout sauf dupes. Chaque fois que les intérêts nationaux sont en jeu, ils dépassent leur particularisme et se vouent à la cause nationale. L’on s’en aperçoit chemin faisant dans les paragraphes suivants.
Tout d’abord, à Bruxelles, peu avant la table ronde politique de janvier 1960, le groupe Front Commun réunissait les anciens protagonistes à Léopoldville (Kinshasa) dont entre autres Jean Bolikango (Ngala) et Joseph Kasavubu (Kongo). Le Front décrocha la libération de Lumumba, la participation de celui-ci à la table ronde, la ratification des résolutions par le parlement belge et la fixation de la date de l’indépendance au 30 juin 1960. Cette victoire laissait plusieurs bouche bée. Tant les Belges étaient incapables de transcender leurs clivages : libéraux, catholiques, socialistes, parlement, gouvernement.
Le 17 mai 1997. Les Kadogo de l’AFDL, bottes en caoutchouc, entraient en héros à Kinshasa. Toutefois, le fait que les étrangers tenaient les rênes du haut commandement de l’armée n’a pas tardé à nourrir la haine contre le nouveau régime. Hein ! Le pays est mis sous tutelle. L’indépendance et la souveraineté du Congo ne sont pas négociables. Aussi L.D Kabila n’avait-il pas d’autre choix que de tourner le dos à ses parrains rwandais et ougandais. Ainsi, naquit notamment la rébellion RCD. Là aussi. La tâche n’était pas une sinécure. Les cailloux ne manquaient pas dans ses bottes. Les foyers de résistance se créaient çà et là. Plusieurs fois, dans la ville d’Uvira, le RCD menaçait d’incendier tout. Le Kivu ne cautionnait pas d’être séparé du Grand Congo. Il en restera ainsi jusqu’à la fin des temps.
Par ailleurs, l’arène électorale est bien réputée pour raviver les différences. Or, généralement, les Congolais jettent leur dévolu sur le parti ayant un projet national. N’en déplaisent aux pseudo-analystes qui voient aussi loin qu’au bout de leurs nez en pronostiquant la fracture Est-Ouest à la veille de chaque cycle électoral. Le succès du MNC/Lumumba en 1960 et de la CONACO/Tshombe en 1965 en disent plus. En 2006, la popularité de Joseph Kabila au Kivu n’avait rien de ses origines. Elle était due à sa posture de l’unificateur du pays. Car sa popularité s’est effritée en 2011 et davantage en 2018 alors que ses origines sont restées inchangées.
Ainsi, il transparait encore une fois que les congolais tiennent mordicus à l’unité de leur pays. Joseph Kabila le sait et l’a exploité à son avantage en 2011. En effet, peu après les élections chaotiques, les rues de Kinshasa grouillaient des manifestants prêts à braver les balles sifflantes de la garde présidentielle. Les partisans d’Etienne Tshisekedi, président autoproclamé, ne juraient que par le départ de Kabila. E. Tshisekedi alla jusqu’à promettre une rétribution « à celui qui lui amènerait Kabila ligoté ». Mais, la naissance du M23 au Kivu s’avèrera une « jolie » politique dérivative qui sauva le régime. Tout le monde oublia Kabila pour s’attaquer à la cible commune : le M23.
Un autre fait mineur est révélateur du sentiment du Congolais. Naguère. Le 25 mai 2020, un jeune de Bukavu a feint de s’immoler sur la place de l’indépendance en signe de protestation contre l’incarcération de Vital Kamerhe. Les critiques ont frisé de partout et les injures ont plu : idiot, imbécile, « kirofa », « kizeze ». D’autres, plus durs, l’ont même souhaité une mort certaine. Pourtant, consumé par la misère, l’immolation de Mohamed Bouazizi était à l’origine de la révolution du 14 janvier en Tunisie et du printemps arabe. Finit le combat pour les individus. Cap vers le combat pour le bien commun.
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