Série: Notre Histoire – Grand Dossier-1 MUTARULE

Pour la sauvegarde de notre mémoire, Uviraonline mène des investigations sur les faits qui ont jalonné l’histoire du territoire d’Uvira. En connaissance du passé, nous saurions mieux gérer les multiples enjeux du moment et prévoir certainement l’avenir. Dans cette édition, Mutarule vous sera conté.

Mutarule: Massacre du 6 juin 2014. Rétrospective

La nuit du 6 juin 2014 fut très fatale pour la localité de Mutarule. Environ 34 personnes dont un militaire furent assassinées sur fond d’un conflit que les uns qualifient d’ethnique et les autres de pouvoir. Uviraonline a retrouvé des rescapés. Ils nous font vivre les événements. Flash-back.

Mutarule massacre [br] Vendredi 6 juin 2014, le calme règne à Mutarule II dit Katekama. C’est la partie habitée par le Bafuliiru alors que Mutarule I est dominé par les Barundi. Aucune rumeur sur les probables attaques. Toutefois, Tenge-Tenge, village situé à moins de trois kilomètres, est à feu depuis 14 heures. Nos sources croient savoir que les Maï-Maï auraient volé le cheptel des éleveurs (Barundi). Le combat devint âpre. A bout de force, talon sur le crâne, ces éleveurs Barundi prirent la poudre d’escampette.

Vers 18 heures, les armes taisent. Dans l’entretemps, la population continue à vaquer à ses activités paisiblement. Les boutiques et pharmacies sont ouvertes. La croisade de prière de l’église 8e Cepac (Communauté des Eglises de Pentecôte en Afrique Centrale) tient sa route. « Quand les armes retentissaient à Tenge-Tenge, on ne voulait pas prévenir les croisés pour ne pas les alerter pour rien » raconte une source.

La coupe de la vengeance a-t-elle été déversée sur Mutarule II ?

Vers 21h30, écrit le révérend pasteur Kavumu Rurengera au représentant de la 8e Cepac, le premier coup de balle résonne en plein cœur de Mutarule II. Des hommes lourdement armés investissent le centre de santé. A la pédiatrie, « une femme appelée Namakuru Narukako sera éventrée et le bébé abandonné sur la table » révèle IR, présent sur le lieu le lendemain des tueries.

A quelques mètres de l’entrée de la haie formée de feuilles de bananiers et aménagée pour la croisade, un jeune nommé Akili Bigaya, défenseur des droits humains et père de six enfants, reçoit une balle en plein poitrine. Personne parmi les croisés ne le constante. Pasteur Bunana Ndunge Musemakweli, l’un des rescapés, décrit l’ambiance : « l’un de nos fidèle prophétisait. Dans son voyage spirituel, il a vu un serpent en train de piquer d’autres croyants. En vrai pentecôtiste, insiste-t-il, on se concentrait pour suivre le message divin. » Il semblerait que le tapage de lance-voix aurait également amoindri le claquement de la balle.

Aussitôt, le premier des tueurs fait irruption dans la haie par la porte située en face du centre de santé, poursuit ce pasteur qui affirme avoir été à l’estrade. Les meurtriers ont tiré indistinctement devant lui. Les uns se sont mis à plat ventre. Les autres, à la débandade, voulurent franchir la clôture par d’autres portes.

Silence net. Le pasteur soutient la joue de la main gauche. Il fond en larmes, soupire et surenchérit : « Dépassés, certains se dirigeaient encore devant les tireurs. Et, ils ont tous été tués. » Néanmoins, il se réjouit qu’il ait réussi à forgé un passage à travers la clôture. En fuyant, continue-t-il, j’ai trébuché à plusieurs reprises. Il soulève lentement la jambe droite et la pose sur l’autre. Il tire le pantalon. « Voici les cicatrices que ce massacre m’a laissées »

Dans la foulée, un certain Kakule, un des militaires des Fardc (Forces armées de la République Démocratique du Congo) chagriné par les cris de désespoir et de douleur des victimes, a tenté d’aller à la rescousse des civils mais en vain. « Il n’avait pas de munitions et a été assassiné sans coup férir » regrettent d’autres sources dignes de foi.

Vers 22h30, les croisés sont éparpillés. Les bourreaux sélectionnent soigneusement les instruments de l’église, les emportent et incendient toute l’installation y compris une moto garée dehors. Furieux, ils s’adonnent à une tuerie aveugle. Ils tirent sur tout ce qui bouge.

Le matin du samedi 7 juin est mouvementé. Des familles recherchent les siens et les autres fuient vers les villages environnants. La Croix-Rouge évacue les blessés aux hôpitaux de Panzi, Sange et Uvira. A 10 heures, les jeunes enragés glanent les corps çà et là et les exposent sur la route nationale. Parmi les cadavres rassemblés, certains sont calcinés et difficilement identifiables.

Aucune autorité ne vint sur place jusqu’à 18 heures. La population décide de dormir à la belle étoile pour veiller sur « leurs corps » rangés sur la route. Des policiers et des militaires leur tiennent compagnie jusqu’au matin du 8 juin 2014. « Un dimanche blanc » pour la 8e Cepac. Aucune cérémonie liturgique.

Vers 11 heures, une délégation du gouvernement provincial arrive sur le lieu. Selon nos sources, le vice-gouverneur Gabriel Kalonda Mbulu essuie des outrages. Les jeunes armés de lances, machettes, gourdins et bâtons sont prêts en découdre avec cette autorité provinciale. Celle-ci, supposent les mêmes sources, aurait déclaré depuis Bukavu que ce sont des voleurs de bétails qui ont été assassinés à Mutarule. Aussi les jeunes exigent-ils un démenti. M. Kalonda Mbulu s’exécuta après une longue tractation sous la médiation d’Emile Baleke Kadudu, président de l’assemblée provinciale et natif d’Uvira.

Vers 14 heures, les tracteurs se mirent à creuser une fosse commune à côté de celle de 8 personnes massacrées le 15 août 2013 (nous y reviendrons). Ainsi, révèle nos informateurs, les cadavres furent inhumés dans des plastiques de la Croix-Rouge au lieu de cercueils apprêtés par le gouvernement.

Mais jusqu’à présent, l’opinion s’interroge sur les noms des bourreaux, l’indifférence des Fardc et de la Monusco (Mission d’Observation des Nations Unies pour la Stabilisation de la RDC) face à cette barbarie. Uviraonline continue d’enquêter.

 Encadré :

Liste des victimes du massacre du 6 juin 2014

Cette liste a été publiée par Bireke Rusagara, chef de village Mutarule/Katekama-Ngendo, le 10 juin 2014. Sur place, d’autres corps ne sont pas identifiés. Selon les témoins, ces gens seraient venus des villages lointains pour assister à la croisade de prière.

Noms Sexe Age Observation
1 Akili Bigaya M 34 ans Il laisse une veuve et six enfants
2 Mafikiri Kambayambaya M 28 ans Il laisse une veuve et deux enfants
3 Kugiririra Rurengera M 56 ans Il laisse une veuve et six enfants
4 Lageri Matenga M 75 ans Père d’Espoir Matenga
5 Espoir Matenga M 22 ans Fils de Lageri Matenga
6 Gidioni Kanako F 40 ans
7 Amina Kugiririra F 35 ans
8 Vumi Makoko F 50 ans Elle laisse trois enfants et un veuf
9 Namakuru Narukako F 25 ans Elle laisse trois enfants sans père
10 Nvwira Zuena Kikwindi F 72 ans
11 Mwadjuma Katinda F 25 ans
12 Mapendo Christine F 28 ans Elle laisse un mari et deux enfants
13 Dogale Faida F 42 ans Elle laisse un mari et huit enfants
14 Macho Kubeshwa F 26 ans
15 Riziki Zuena Masumbuko F 16 ans
16 Piri Mubaya Zuena F 7 ans
17 Nzimiri Kanako F 35 ans Quatre enfants
18 Demobe Makoko M 4 ans
19 Eliza Namukenge F 4O ans
20 Maliziya Binyogo F
21 Resa Sekanabo F 45 ans
22 Ingineri Mulangaliro F 28 ans Elle laisse un mari et deux enfants
23 Neziya Ndabyo F
24 Tulizo Rehema F 2 ans
25 Merci Munano M 6 ans
26 Laheri Suzana F 4 ans
27 Meshake Rodina M 2 ans
28 Christine Laheri F 63 ans
29 Butoto Kugiririra F 2 mois
30 Ndahondi Kaleha M 17 ans

 [br] À venir dans le même dossier:

1. Reportage sur la situation actuelle de Mutarule,
2. Film de la scène Mutarule I (massacre de 2013),
3. Film de la scène Mutarule II (massacre de 2014),
4. Ndabagoye Nsabimana Floribert : portrait et circonstances d’assassinat
5. Mwami Simba Ndare : portrait et circonstances de son décès
6. Bede Rusagara : portrait et circonstances d’assassinat.
7. Processus de pacification,
8. Vécu des déplacés de Mutarule dans les villages environnants
9. Présence et rôle des milices maimai,


Grand Dossier-1 MUTARULE signé UviraOnline

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One Comment on “Série: Notre Histoire – Grand Dossier-1 MUTARULE”

  1. Sisi wa Mutarulois tumechukuwa mda wadakika 5 tano tukiinamba kwa kuwa kumbuka wa ndungu zetu walio tuacha kwa hii siku 06/06/2014 Mungu uzidi kupoza roho zawayatima wajane wababa walio achawa watoto wadogo na kuwafariji Amina

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