Jean-Pierre Bemba jugé coupable de crimes contre l’humanité en Centrafrique

L’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba est coupable de crimes contre l’humanité et crimes de guerre pour les viols et meurtres commis par sa milice en Centrafrique en 2002-2003, ont affirmé lundi les juges de la Cour pénale internationale.

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Cinq fois coupables. L’ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC), Jean-Pierre Bemba, a été reconnu coupable de deux crimes contre l’humanité et trois crimes de guerre commis en Centrafrique en 2002 et 2003. Des viols, des meurtres et des pillages commis par les soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC), sa milice, envoyée soutenir le président centrafricain Ange-Félix Patassé contre les rebelles du général François Bozizé.

Au fur et à mesure de la lecture du jugement, qui a duré plus d’une heure, le visage de l’accusé s’est lentement refermé. Les juges ont d’abord rappelé les crimes commis par les soldats du MLC qui, partout dans le pays agissaient selon un même modus operandi : à chaque prise de position sur les rebelles de Bozizé, les soldats de Bemba faisaient la chasse aux traitres, pillaient, tuaient, violaient les civils.

« Le contrôle effectif sur les troupes qui ont commis les crimes »

Au cours de son procès, qui a duré quatre ans, de 2010 à 2014, Jean-Pierre Bemba n’a pas nié que des crimes aient été commis par ses troupes. Mais il affirmait qu’une fois en Centrafrique, les hommes du MLC n’étaient plus sous son commandement mais sous celui des forcesarmées centrafricaines. Les juges n’ont pas accepté les arguments de l’accusé.

Jean-Pierre Bemba avait « le contrôle effectif sur les troupes qui ont commis les crimes », ont-il décidé. Il a sélectionné les trois bataillons qui partiraient combattre en Centrafrique. Il était en communication régulière avec les officiers sur le terrain dont le commandant en chef Mustafa. Il contrôlait les fonds du MLC. Jean- Pierre Bemba n’était néanmoins poursuivi qu’en qualité de chef, mais pour le seul fait de ne pas avoir empêché les crimes ou les avoir punis.

Au cours du conflit, sept soldats avaient été jugés, et plusieurs enquêtes avaient été conduites, mais les juges ont rejeté l’argument. L’ex-sénateur congolais, qui n’a jamais caché ses ambitions pour la présidence de la RDC, est donc cinq fois coupable. Dans la galerie publique, Liliane Bemba, son épouse, s’est effondrée en larmes tandis que sur le trottoir face à la Cour, une cinquantaine de ses partisans manifestaient, encadrés d’une cinquantaine de policiers néerlandais. L’un des manifestants a été rapidement détenu, après une altercation avec l’un des anciens membres du mouvement, aujourd’hui rallié au président congolais Joseph Kabila.

Sonné par le jugement

Secrétaire générale du MLC, la sénatrice Eve Bazaiba Masudi, fustige ce jugement : « Les juges disent qu’il n’a pas assez agi pour empêcher les crimes, que ce n’était pas suffisant, mais qu’ont fait les Nations unies ? Qu’a fait le gouvernement Patassé ? Eux n’ont rien fait ! » A la veille du jugement, les spéculations allaient bon train à Kinshasa, sur une éventuelle libération et un retour au pays, juste avant la présidentielle prévue à l’automne prochain. Mais la sénatrice a écarté la question. Le plus important aujourd’hui, « c’est sa famille, la politique passe après ».

La procureure, Fatou Bensouda, s’est réjouit de la décision, « car elle confirme que les supérieurs hiérarchiques sont responsables des actes commis par les soldats placés sous leur autorité », ajoutant que « les personnes qui occupent un poste de commandement ou qui exerce une autorité et un contrôle ont des obligations juridiques vis-à-vis de leurs troupes, même lorsque celles-ci opèrent à l’étranger. »

Même tonalité du côté de Human Rights Watch. Le verdict est « un rappel vibrant aux supérieurs – militaires et civils – qu’ils ont la responsabilité d’éviter et de faire cesser les attaques commises par leurs soldats sur des civils et de sanctionner les auteurs de crimes », estime Géraldine Mattioli-Zeltner.

Dans le hall de la Cour, l’avocat de Jean-Pierre Bemba semble comme sonné par le jugement, mais n’y voit qu’une simple étape. Il a bien l’intention de faire appel. Et le processus pourrait encore être très long car Jean-Pierre Bemba est poursuivi dans une seconde affaire, pour outrage à la Cour. Le procureur l’accuse d’avoir corrompu des témoins et pour l’instant, le verdict sur ce dossier n’a pas encore été rendu. L’issue de ce second jugement pourrait avoir un impact sur la décision finale. Jean-Pierre Bemba est retourné en prison, et ressent de « la colère », selon Peter Haynes. La sentence fera l’objet d’une nouvelle étape, elle ne sera pas prononcée avant plusieurs semaines.


Le Monde.fr avec AFP