Grands Dossiers/Mutarule: Absence de l’autorité de l’Etat dans la plaine de la Ruzizi

 [br] Après le massacre du 6 juin 2014, plusieurs Bafuliiru ont vidé Mutarule. Certains regagnent leur maison mais les autres attendent le rétablissement de la paix. Le point sur la situation avec notre invité ayant requis l’anonymat.

Comment peut-on décrire la situation sécuritaire dans la plaine de la Ruzizi ?

La région est sur-militarisée : les Fardc, la police et les soldats de la Monusco essaient de maintenir l’ordre et la sécurité. Mais, nous vivons peur au ventre. Les uns et les autres se sentent en insécurité parce que chaque communauté (Bafuliiru ou Barundi, Ndlr) a son propre chef dans chaque localité. En 2012, après l’assassinat du Mwami Ndabagoye, son fils Richard Nijimbere s’est évertué de démettre tous les notables fuliiru. Ces derniers y ont été placés depuis 2004 au début du règne du Mwami Kibinda. Mutarule II (Katekama de Bafuliiru) est dirigé par Bireke Saidi Rusagara alors que Mutarule I (Barundi-Banyamulenge) est dirigé par le notable Katoni. J’insiste. C’est un Munyamulenge qui y a été placé en guise de récompense après le massacre du 6 juin 2014.

Comment ce bicéphalisme peut-il favoriser l’insécurité ?

Il y a d’abord une lutte interne chez Barundi. Le remplacement de Kaduli Mirundi (Murundi) par Katoni (Munyamulenge) suscite des frustrations. Ensuite, tous les notables nommés par Richard Nijimbere sont désavoués par la population. Ce qui provoque de mécontentement dans le camp de Barundi. Enfin, cette cacophonie pousse chaque communauté à créer une base arrière (formation d’une milice, Ndlr) afin de protéger les leur. Malheureusement, une fois au maquis, ils s’avèrent être un projectile impossible de téléguider. Ils se muent en fauteur d’insécurité. Je dois dire la vérité (Rires)

Qui est le chef de la chefferie si la population rejette les notables nommés par Richard Nijimbere ?

La plaine n’a pas de chef actuellement. Nommé depuis 2012, Richard Nijimbere n’est pourtant pas reconnu comme chef de collectivité. Il n’a jamais organisé de réunions ni ouvrir son bureau. D’ailleurs, il se déplace abord d’une jeep à vitres teintées. Il vit des réalités contraires à celles de la population. Ainsi, son autorité est-elle sapée. Personne ne paie la taxe. Les gens s’en sont habitués.

Que proposez-vous pour que Monsieur Richard Nijimbere ait effectivement ses pouvoirs en tant que chef de la chefferie

La chefferie est un pouvoir coutumier. M. Richard est issu des Barundi. Ils ne représentent que 5% de la population. Dans ce cas, ils ne peuvent pas imposer leur coutume à la majorité. Le chef devrait être élu. Il s’agirait d’une structure permettant à chaque communauté de s’épanouir selon ses coutumes.

Là il faudra que la plaine soit un secteur. Mais, si on s’en tient au statu quo ?

C’est-à-dire ?

Que la plaine reste toujours une chefferie.

Quel que soit le statut de la plaine, il faut une transition qui permettra d’organiser des élections. C’est le seul moyen pour avoir la paix. Que telles conditions confèrent deux chefferies aux Bafuliiru ! Cela n’est pas surprenant parce que les Bashi en ont trois.

Qui proposez-vous pour diriger cette transition ?

En principe, on devrait choisir l’un des chefs de groupement. Dans ce cas, c’est Soko Ben Mayeye qui l’emporterait. Il est expérimenté et il a un diplôme universitaire.

Les uns reprochent à Bike Rurengera d’avoir tissé des liens avec le chef de bande Bede Rusagara en défaveur du pouvoir public. Est-ce pour cette raison que vous ne le proposez pas aussi ?

Non. Loin de là. Bike n’est pas sur terrain. C’est tout. Mais, ceux qui le reprochait pour son rapprochement avec Bede ont tort. D’ailleurs le Gouverneur Cishambo passait beaucoup de temps avec Bede que quelqu’un d’autre. Sinon, jusqu’à présent tous les chefs de la plaine ont des accointances avec les seigneurs de guerre.

Pourquoi Bede a-t-il été tué s’il était ami au Gouverneur Cishambo ?

Il faut souligner qu’il n’a pas été tué lors d’une bataille. Il a été arrêté à Kasenga, transféré au Bureau II, puis à l’hôpital militaire et tué à bout portant. Il a été achevé par Declercq, un major Munyamulenge des Fardc, cité dans le massacre du 6 juin 2014. Nous savons que Bede recevait l’argent du M23 dont il était le représentant à Uvira. C’est ainsi que Declercq, une taupe au sein des Fardc, lui a ôté la vie avant que Bede ne dénonce la complicité de certains éléments de l’armée congolaise avec le M23.

Bede en relation avec Declercq cité dans le massacre du 6 juin. Peut-on dire qu’il en était complice ?

(Sourire aux coins des lèvres, regard évasif), je ne sais pas !

Bede était-il intervenu lors du carnage ?

Non

Et, donc ?

Peut-être qu’il était aussi complice. Je dois quand même le dire.


UviraOnline
Publié par William Muyuku à partir du Canada