Chronique: C’est la faute du maréchal Mobutu

Au Nigéria, le Peul Muhammadu Buhari succède à Goodluck Jonathan, et quelque temps après il est sommé de rendre des comptes au peuple nigérian dans l’affaire Boko Haram; au Bénin, Patrice Athanase Guillaume Talon, qui a succédé à Boni Yayi, doit composer avec la colère d’une population qui ne supporte pas ses réformes économiques; en 2010, les Américains ont profité des élections de mi-mandat pour livrer leur verdict quant aux deux premières années au pouvoir du président Obama et de son parti démocrate, en redonnant une solide majorité au Parti républicain à la Chambre des représentants; en France, Emmanuel Macron, qui est arrivé au pouvoir il y a de cela quelques mois, fait face aux critiques des médias et des Français qui supportent de moins en moins sa façon de diriger le pays.

Et quand on arrive en RDC, la très célèbre et tristement République à démocratiser du Congo, tout est au rouge. À la question de savoir qui en est le premier responsable(?) Et le pouvoir et son opposition — et sans compter une certaine populace — accusent un homme décédé il y a vingt ans : Mobutu.

En outre, le Congo est le seul pays au monde où personne n’est responsable de rien. Même dans la diaspora, les cancres accusent feu maréchal-président d’être responsable de leur idiotie. Tu ne travailles pas, c’est Mobutu; tu es endetté, c’est Mobutu; tu es con, c’est Mobutu; tu es un incapable, c’est encore Mobutu; tu es Tshisekediste, c’est toujours la faute de Mobutu; le dialogue, c’est Mobutu ; le glissement, encore lui… Le ridicule ne tue pas dans ce pays.

Il y a eu Sani Abacha au Nigéria, Mathieu Kérékou au Bénin, George Bush aux USA, François Hollande en France; et pourtant on n’entend jamais les peuples et les dirigeants actuels de ces pays accuser leurs anciens dirigeants d’être les responsables des crises auxquelles ils sont confrontés aujourd’hui.

Il peut arriver qu’on fustige une décision prise par le passé, mais on ne fait pas de fixation comme au Congo avec le nom du maréchal Mobutu. Il ne s’agit pas d’absoudre le dictateur décédé de ses péchés, mais il faut tout de même reconnaître que le sens des responsabilités a complètement disparu dans ce pays.

C’est toujours la faute de l’autre. Nyonso kaka Mobutu, le bouc-émissaire idéal qui permet aux incompétents et autres tarés de justifier non seulement leur médiocrité, mais aussi et surtout leur incapacité à sortir ce pays de sa calamiteuse situation. Buvons simplement le lait nsambarisé…


Patrick Mbeko 
Auteur de plusieurs articles sur la géopolitique de l’Afrique centrale et intervient auprès de plusieurs médias sur des questions géostratégiques.